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Monsieur Clark naît
le 24 décembre 1932 à Barfleur. Dès
l'âge de sept ans, il commence à naviguer avec
son grand-père. Albert Clark qui était en
retraite et emmenait son petit-fils sur une vaquelote(
petit bateau )Ensemble pendant les vacances scolaires,
ils allaient pécher la crevette en face de Barfleur
accompagné de leur chien Milord un terre Neuve originaire
du même nom. Pendant les grandes vacances, à
bord d'une plate ( bateau ostréicole
), il allait à la rame avec un copain poser
des casiers à crevettes. Dans sa jeunesse, il partait
tout seul pêcher le colin au large de Cosqueville
à 14 ans. Son bateau était muni d'un moteur
de sept à huit chevaux.
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En 1934, son père et son oncle font construire leur
propre bateau aux chantiers Bellot de Saint Vaast. Le "
Marie MadeIeine " avançait à la seule
force du vent. Il pouvait aller pécher jusqu'à
cherbourg A bord, il n'y avait ni radio, ni station météo,
ni électricité. Pour s'éclairer, ils
utilisaient des lampes à carbure (
moyen d'éclairage le plus souvent portable ).Pendant
la guerre, les Allemands réquisitionnaient les bateaux
pour s'exercer au débarquement. Un jour. son père,
bien décide à ne pas le leur donner, sabota
le moteur.
Cela ne fonctionna pas. La commandanture (
commandement militaire en Allemagne ou dans les régions
occupées par l'armée allemande ) arriva
sur les lieux et ne lui laissa pas le choix. Il dut le remettre
en état de marche. Soit il le reparaît, soit
il était fusillé.
Le Marie Madeleine " était l'un des plus gros
bateaux. Ses voiles furent enlevées et remplacées
par un canon à l'avant et des mitrailleuses au milieu
et à l'arrière. Il servait à remorquer
des radeaux en liège
accrochés sur sa gauche ou accrochés à
l'avant.
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Il devait les approcher au
plus près du rivage. En cas de mauvais temps ou de
vent d'amont, les vagues faisaient chavirer les canots.
A la fin de la guerre, les bateaux furent abandonnés
un peu partout. Le leur fut retrouvé dans le bassin
de Saint Malo. Plusieurs cordiers (
bateau de pêche utilisant des lignes de fond) avaient
coulé et d'autres étaient très abimés.
Eux eurent de la chance, ils purent le récupérer
mais il fallut le réparer.
Après la guerre, sur le " Marie Madeleine ",
son père et son oncle commencèrent le chalut.
En Baie de Seine, il fallait passer entre les chapelets
de mines et parfois ils remontaient même des bombes
dans leurs filets.
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A quinze ans, Monsieur Clark
arrête l'école. Le 7 Mars 1947, il embarque
sur le cordier familial et y débute comme mousse.
Il devait faire à manger et les courses pour les
neuf à onze membres d'équipage.Il faisait
cuire les repas sur un fourneau à charbon sur lequel
il devait amarrer les gamelles. Le bateau était toujours
à voile mais possédait aussi un moteur de
trente chevaux.
Avant d'arriver sur leur lieu de pêche, ils garnissaient
ses hameçons d'appâts à l'aide d'une
partie de leur pêche précédente puis
ils filaient les cordes. Au bout d'un certain temps, il
fallait les remonter. Ils le faisaient à la main.
Il n'y avait pas encore de treuil ou de machines.
Les congres, les has, les roussettes et les raies pêchées
devaient être décrochés un par un et
mis dans la cale. Ils en péchaient 4 à 5 tonnes
par marée. Ils n'avaient pas de quotas à respecter.
Ils partaient quelquefois pendant un mois avant de revenir
à Barfleur mais débarquaient dans d'autres
ports.
Comme il n'y avait pas de criée, ils devaient charger
ie poisson dans un camion. Ils le faisaient à la
chaîne. Ils allaient le livrer chez les mareyeurs
( grossiste qui vend du poisson et
des fruits de mers ) et effectuaient la pesée
à ce moment là. A cette époque, il
n'y avait pas encore de balance sur les ports.
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Pour naviguer, ils utilisaient
le chronomètre de la montre et, même par temps
de brume, ils savaient où ils allaient. Ils se repéraient
aussi grâce aux phares et au son des sirènes.
Celle de la Hague sonna, quatre fois et celle du fort du
Ouest, trois. Pour les entendre, ils devaient couper les
moteurs pendant deux minutes mais il n'était pas
rare qu ils se perdent Un jour, alors que son père
était tombé malade à bord le mousse
dut le remplacer quelques heures. Celui-ci oublia de le
réveiller Ils se retrouvèrent trop à
l'ouest, perdus dans la brume. Ils ne purent entendre la
corne de brume des Casquets. Ils ne rentrèrent que
le lendemain. Ils avaient fait une erreur et leurs femmes
avaient du les attendre toute la nuit.
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Souvent ils allaient pêcher
l'encornet car il était très cher. Une fois
par un coup de vent d'amont, Albert faillit passer par-dessus
bord mais heureusement il s'était accroché
au hauban.
Lorsque son père partit en retraite, Monsieur Clark
racheta sa part et resta trois ans sur le bateau. Il embarqua
ensuite sur un chalutier cherbourgois appelé "
Mimi et Chariot " pour apprendre le métier de
chalut. Dans les années 70, un cousin de son père
fit construire un petit chalutier à Port en Bessin,
aux chantiers Bellot. Il se nommait " La pointe de
Barfleur ". Monsieur Clark embarqua sur celui-ci. Un
jour, alors qu'il était de quart, l'hélice
d'un sous-marin anglais se prit dans leurs filets, le bateau
se souleva et faillit chavirer. Ils perdirent tout leur
matériel. Un deuxième sous-marin qui se trouvait
à cent mètres d'eux a remorqué le sous
marin anglais.
Il occupa cette fonction pendant deux ans. A cette époque
il fallait déjà avoir le capacitaire (
certificat de capacité à la pêche )
pour piloter. Il obtint le sien a la fin des années
60.
Il quitta Cherbourg pour revenir à Saint Vaast. Il
était matelot sur le " Credo-Indéum ",
un coquillard ( les coquillards sont
à l'origine de faux pèlerins de Compostelle
qui vendaient des coquilles Saint jacques prétendument
rapportées du pèlerinage ) qui appartenait
à Monsieur Doucet Charles Il y resta pendant huit
ans. Une nuit, alors qu'ils faisaient cap sur saint Vaast
La Hougue. le matelot, fatigué de sa journées
s'endormit à la barre Ils ne purent éviter
le pétrolier japonais et le naufrage s'ensuivit.
sauvés par les dix tonnes de coquilles situées
à l'avant du bateau ils purent jeter le bombard (
canot de sauvetage ) à l'eau et s'y réfugier.
Ils furent secourus par le " Souvenez-vous " qui
les suivait. Ils furent tous sauves et il n'y eut pas de
blessés. Ce fut un jour de chance.
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Les dix dernières années,
il finit sa carrière à Cherbourg sur les ferries.
Un mois avant sa retraite, le ferrie " la Cornouaille
" traversa la Manche dans l'ouragan en 1987.Monsieur
Clark avec le commandant Corre étaient tous les deux
de quart sur la passerelle. Ils mirent toute la nuit et
une partie de la matinée pour rentrer.
Au bout de quarante années de bons et loyaux services
en navigation, il prit sa retraite. Depuis, Monsieur Clark
s'est acheté un petit bateau. Il se nomme "
Péter Allan ", les prénoms de ses enfants.
Et pour son plaisir, il continue de naviguer.
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