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Vie
de montfarvillais
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Jacques est né le 1er avril 1932. Il a trois enfants
et sept petits enfants.
En 1933, suite au décès de son père
à vingt et un mois, il est parti vivre chez ses grands-parents
maternels. C'était des agriculteurs.
A l'âge de cinq ans, il entre à l'école
de Montfarville. C'était une école de garçons.
Elle était située dans une rue sans nom "
communément appelée cache des écoles
". Maintenant, elle se nomme la rue de la vieille école.
Pendant la seconde guerre, les Allemands occupaient les
classes. Pour ne pas mélanger les filles et les garçons,
Il y avait cours le matin ou après midi dans les
salles à manger de grandes fermes. Jacques aurait
pu poursuivre ses études, ses grands-parents pouvaient
les payer, mais il ne voulait pas travailler.
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Le jour du
débarquement, avec ses copains, il grimpait dans
les plus hauts arbres de Montfarville pour voir les bateaux
tirer sur les blockhaus. Debout la nuit, ils ont regardé
aussi les avions passer. Du côté de Montfarville,
c'était plutôt calme, il n'y avait pas beaucoup
de résistants.
Entre quatorze et dix huit
ans Jacques travaillait à droite à gauche.
Ses grands-parents subvenaient à ses besoins. A dix
huit ans, il avait mille anciens francs* d'argent de poche
par semaine. Avec cet argent, il faisait la fête avec
ses copains. Il dépensait tout et rentrait chez lui.
Ensemble ils allaient aussi voir les matchs de football
dans le Val de Saire. Et suivant les saisons ils allaient
même en car jusqu'à Coutances. Il fallait plus
de deux heures avec les cars les moins chers, ils n'étaient
pas confortables. Il n'y avait pas beaucoup de filles avec
eux, leurs parents le leur interdisaient.
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De dix
huit à vingt ans il est parti faire mon service militaire.
Il est rentré en 1952. Il avait devancé son
appel. Il a bien fait car s'il avait attendu la date, Il
serait parti faire la guerre d'Algérie.
En 1952 Il commence à travailler à Montfarville
sur des terres mises à sa disposition avec un cheval.
A l'âge de vingt cinq ans, il achète son premier
tracteur. C'était un monocylindre de seize chevaux.
Il faisait un bruit infernal. Il l'échange au bout
de six mois contre un Mac Cormick. Dans le même temps
il a eu sa première voiture, une Peugeot 203 noire
intérieur simili rouge d'occasion.
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En 1974 il commence le bio
pour la raison suivante : son fils ayant quitté l'école
d'agriculture voulait donc travailler la terre. Mais la
surface des terres agricoles n'était pas suffisante
pour deux. Jacques loue d'autres terres et en voyant les
résultats de la culture bio chez un voisin, décide
de s'y lancer avec son fils. Plus tard il loue une ferme
à Morsalines, c'était un domaine. Tous les
champs étaient cote à cote. Il y avait de
l'eau dans chacun d'eux. En plus ce n'était pas de
la terre agricole mais de la terre à herbe et pour
le bio c'est impeccable.
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A partir de cette époque,
les affaires ont commencé à bien marcher.
Ensuite il a commencé à vendre ses produits
dans la région parisienne notamment à la Vie
Claire*. Après une mauvaise gestion, celle-ci fut
reprise par Bernard Tapie, c'était en 1980. Ce dernier
lui proposa de rembourser ce qu'il lui devait en neuf ans.
Les autres producteurs de légumes ont voulu avoir
l'argent tout de suite. Ils l'ont reçu mais leur
contrat ne fut renouvelé.
Jacques s'est donc retrouvé le seul producteur de
la région à vendre des produits à la
Vie Claire. Il envoyait par transporteur entre six et huit
palettes par semaine. Les derniers temps, Il a acheté
son propre camion de transport. C'était la condition
sine qua non pour pouvoir continuer à travailler
avec eux. En effet, les entreprises étaient agacées
par le retard régulier des transporteurs.
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Jacques raconte " Jusque
dans les années 1970, il y avait des talus partout
et des haies d'épines blanches. Quand les tracteurs
quatre roues motrices ont fait leur apparition, le matériel
est devenu encore plus gros et plus large. Du coup, on a
abattu les haies une à une. Pourtant avec elles,
les récoltes étaient plus précoces.
Elles étaient protégées du vent d'Est,
il faisait donc plus chaud dans les champs. L'été
quand il y avait des ondées d'orage, les talus arrêtaient
l'eau et elle s'écoulait dans le creux des fossés
et remplissait des mares qui servaient d'abreuvoir aux vaches.
Maintenant il n'y a même plus de talus, on a tout
abattu. Les tracteurs qui pèsent quatre tonnes ont
tassé la terre et l'eau roule partout. On est même
inondé à Montfarville. Même les chasses,
qui autrefois étaient magnifiques, très bien
entretenues, ne ressemblent plus à grand chose maintenant.
Et l'arrachage des légumes aussi a changé.
Avant on ne travaillait pas par temps de pluie. De nos jours,
il se fait par n'importe quel temps. Les agriculteurs ont
des emprunts tellement importants qu'ils doivent faire rentrer
le plus d'argent possible. Et, quand ils font des bénéfices,
la MSA6 leur en prend 42%. Dans l'agriculture biologique,
on n'a jamais rien obtenu sauf sous la présidence
de Valéry Giscard d'Estaing. On a reçu un
chèque de cent trente milles anciens francs mais
on n'a jamais su pourquoi. Dans le Val de Saire, il y a
même une entreprise qui appartient à l'Etat.
Elle plante des légumes, fait des essais et crée
de nouvelles variétés. "
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Jacques a pris sa retraite
en 1992. Son fils a pris sa succession mais il a continué
à travailler avec lui pendant deux ans.
Depuis qu'il est en retraite, il continue un peu à
travailler dans son jardin et l'hiver, il confectionne des
paniers en osier pour les membres de sa famille et amis.
Et dès qu'il le peut, avec sa femme, il part en voyage
en camping-car l'été. D'ailleurs il a même
fait le tour de la France. Et même pendant les vacances
il ne mange que des produits issus de la culture bio quand
c'est possible.
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